Iran : genèse d’une contre-révolution

Iran : genèse d’une contre-révolution

Aucun idéologue révolutionnaire n’est à la manœuvre dans le soulèvement actuel du peuple iranien, contrairement à ce qui s’était produit lors du renversement du shah en 1979. Armée de sa seule aspiration à la liberté, la jeunesse iranienne invente son avenir sous nos yeux.

31 janvier 2023dans AnalyseTemps de lecture : 16 min

Des jeunes dansent autour du feu et brûlent des foulards à Sari, en Iran. Le feu est, par excellence, le symbole de la purification dans la philosophie persan

Nazila Golestan, directrice éditoriale et productrice, opposante iranienne vivant en France, porte-parole d’Iran HamAva1
Article paru dans Le DDV n° 689, hiver 2022

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À Téhéran, en septembre 2022, est né le slogan « Femme, Vie, Liberté » porté par la contestation de la jeune génération sur les cendres de Mahsa Amini, tuée par la police religieuse pour « tenue inappropriée ». La mort inique de cette jeune femme a été l’étincelle qui a suffi à embraser un pays déjà soumis à une forte pression depuis quatre décennies. Après plusieurs mois de contestation, nous observons en Iran l’émergence d’une véritable contre-révolution menée par les générations  « X », « Y » et « Z », qui se réclament des valeurs universelles, au péril de leur vie, jour après jour, contre l’héritage obscurantiste de la révolution islamique de 1979.

« Superficielle », « égocentrique », « accro aux réseaux sociaux », « incapable de mener des actions, des contestations hors du monde virtuel », etc. Tels sont les a priori négatifs avec lesquels les « baby-boomers » décrivent parfois la nouvelle génération. Mais cette dernière s’est extirpée du monde virtuel pour faire entendre sa voix dans les rues iraniennes et en appelle à ses aînés.

En revendiquant leur fort désir de liberté sur les réseaux sociaux sans frontière (Instagram, Twitter et Telegram), les jeunes créent un objet virtuel multiforme et partageable avec tous à partir de leurs smartphones. Le désir de liberté passe par une chaîne de solidarité entre générations, en quelques clics, de Téhéran à Paris, vers Londres, Toronto, Istanbul… Ainsi se propage le mouvement « Femme, Vie, Liberté » à l’échelle internationale, intégrant au passage de nouvelles revendications lui faisant prendre de l’ampleur.

Il était une fois la révolution islamique en 1979

« N’essayez pas de me parler de révolution ! Je sais tout sur les révolutions et comment elles commencent ! Les gens qui lisent les livres, ils vont vers les gens qui ne lisent pas les livres – les gens pauvres – et disent : “Ho, ho ! le moment d’un changement est venu, hein !” » Cette réplique du chef-d’œuvre Il était une fois la révolution de Sergio Leone souligne le processus de germination des révolutions classiques du XXe siècle : les idéaux révolutionnaires précèdent et guident les révolutions. Ces idéaux sont parfois déconnectés de la réalité rugueuse du terrain sur laquelle ils s’appliquent. 

La politique du siècle dernier semble être portée par des révolutions idéologiques fondées sur la terreur comme instrument primitif : la violence révolutionnaire a joué un rôle important dans le renversement des anciens régimes, qui avaient souvent des débuts glorieux et une fin obscure. Bien que les révolutions russe, chinoise, cubaine et iranienne reposent sur des fondements idéologiques différents, il existe une analogie concernant les processus à l’œuvre : les masses ont suivi les injonctions des intellectuels qui ont mené à un changement radical et brutal de régime.

Le 17 septembre 1941, trois semaines après l’invasion de l’Iran par les troupes soviétiques et britanniques, Mohammad-Reza Pahlavi, le jeune shah, prêta serment devant le Parlement. En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques se sont retirés du pays mais les troupes soviétiques ont non seulement refusé de se retirer mais ont stationné au nord-ouest de l’Iran afin d’aider à la création d’États communistes séparatistes fantoches dans l’Azerbaïdjan et le Kurdistan iranien. Bien que l’Armée rouge se soit finalement retirée d’Iran en mai 1946, l’influence soviétique s’est intensifiée au sein des partis politiques de gauche. Le shah, effrayé par la menace de partition territoriale de son royaume, a fini par opérer un changement de régime, d’un régime de monarchie parlementaire libérale à un régime autoritaire à parti unique.

Dans l’Iran de 1979, les intellectuels gauchistes iraniens dérivant vers l’orbite soviétique jouent un rôle important. La majorité des révolutionnaires de ces années étaient soit de l’aile gauche, soit fascinés par l’école du marxisme islamique. Par conséquent, un amalgame de deux idéologies – communiste et islamiste – s’est cristallisé en la personne de l’ayatollah Khomeini. Opposée à l’impérialisme occidental, cette nouvelle idéologie a prôné la négation de la modernité – vue comme occidentale – et la distanciation d’avec la civilisation perse.

Groupe armé devant l’ambassade américaine à Téhéran, au moment de la prise en otage de son personnel par des étudiants (4 novembre 1979 – 20 janvier 1981) (Iranian National Library)

Khomeini le « sauveur »

Le retour en Iran de Khomeini à la fin de son exil de quatorze ans a été mis en scène de telle façon qu’il passait pour être le sauveur, seul capable de faire émerger un régime indépendant, anticolonialiste et anti-impérialiste. Et tout commença avec la devise de l’ayatollah Khomeini, « une république islamique, ni un mot de plus, ni un mot de moins ». Une référence directe à un système théocratique basé sur la charia et les hadiths, au nom de la république.

À la suite de l’instauration de la Constitution de la République islamique, le premier commandement promulgué par Khomeini a été l’obligation du port du voile islamique, selon le principe religieux que la femme est « la propriété de l’homme », justifiant la misogynie du gouvernement.

Si le Corps des gardiens de la révolution islamique est sorti exsangue des huit années de guerre contre l’Irak, ses commandants ont bénéficié ensuite du soutien inconditionnel du Guide suprême et se sont transformés en cadres dévoués et disciplinés de l’État islamique.

De nombreuses manifestations ont eu lieu en mars 1980, au cours desquelles des milliers de femmes et d’hommes ont protesté contre cette obligation de porter le voile en scandant des slogans tels que : « Nous voulons de la liberté », « Nous sommes contre le voile islamique », « Nous avons fait la révolution pour être libres ». Mais quatre événements ont permis à l’État islamique de se consolider en Iran. D’abord, la prise en otages des diplomates de l’ambassade américaine à Téhéran par des groupes anti-américains et la déclaration de Khomeini affirmant qu’« Israël [devait] être rayé de la carte ». Ces deux événements ont débouché sur l’élimination des libéraux et l’affirmation anti-impérialiste et anti-occidentale du régime. Ensuite, l’enlisement de la guerre Iran-Irak qui a eu pour conséquence des centaines de milliers de morts, des milliers de vétérans et la chute de l’économie du pays. Par ailleurs, si le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) est sorti exsangue de ces huit années pendant lesquelles aucun investissement économique important n’a pu avoir lieu, ses commandants ont bénéficié après la guerre du soutien inconditionnel du Guide suprême et se sont transformés en cadres dévoués et disciplinés de l’État islamique. Ainsi, le CGRI a consolidé sa mainmise sur les structures de pouvoir économique, politique et judiciaire du pays. Enfin, les autorités du régime ont annihilé l’opposition frontale au régime précédent et, au cours de l’été 1988, un très grand nombre des révolutionnaires sympathisants ou appartenant aux partis de gauche, marxistes, ont été exécutés.

Une réforme pour sauver un État théocratique

En juin 1998, Mohammad Khatami, « le turban noir », arrive au pouvoir en donnant le faux espoir au peuple de vouloir réformer le système théocratique. Ainsi, la nouvelle stratégie consiste à privilégier les membres de « l’intelligentsia », au sein de laquelle les hauts fonctionnaires technico-bureaucratiques sont dorénavant recrutés, les religieux qui semblent faussement adhérer aux idées réformatrices et les élites politiques qui sont mises en avant au sein du système théocratique. 

Un an après la victoire présidentielle de Mohammad Khatami, la fermeture de plusieurs organes de presse s’est soldée par une manifestation des étudiants de la génération « X » de l’université de Téhéran, sans précédent depuis la révolution de 1979. Sur ordre du Guide suprême, Ali Khamenei, ces manifestations ont été fortement réprimées. Des membres infiltrés du CGRI et des milices affiliées à l’État ont brutalement réprimé les étudiants, les militants et les intellectuels qui avaient manifesté pendant cinq jours à l’université de Téhéran pour les changements démocratiques et la réforme du système théocratique.

L’arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad fut d’autant plus favorable à l’éclosion des protestations que les mécontents avaient rongé leur frein depuis plusieurs décennies. Les intellectuels dirent encore au peuple : « Le moment d’un changement est venu. » Ainsi est né le mouvement Vert en 2009 dont le slogan « où est mon vote ? » a résonné dans les rues de Téhéran. Fortement réprimé, le mouvement Vert a abouti à la marginalisation des réformistes. Les réformistes avaient mis à contribution cette tragédie pour établir leur identité politique en tant que force d’opposition légitime et s’étaient laissé aller à davantage de statu quo pour rester pertinents sur le plan politique. 

Le « turban blanc », Hassan Rohani, s’est présenté à l’élection présidentielle contre Ahmadinejad. De nouveau, des réformateurs modérés, « chiens de garde » du pouvoir religieux, s’affichant comme pro-occidentaux, ont dit au peuple : « Le moment d’un changement est venu. » Les générations « X » et « Y » ont encore eu l’espoir de voir le nouveau gouvernement, mené par le religieux Hassan Rohani, répondre à leurs attentes concernant le dossier nucléaire et faire sortir l’Iran des crises internationales. 

Comme la nouvelle stratégie de modération du régime était plus propice à l’arrangement avec les Américains, le gouvernement de Rohani a obtenu l’accord international sur le nucléaire en 2015. 

Les protestations étudiantes de juillet 1999, connues sous le nom de « 18 Tir » [Hishdah-e Tir], constituent les plus violentes protestations en Iran, vingt ans après l’avènement de la République islamique. (DR)

La fin de l’époque du mirage réformiste

Le gouvernement d’Hassan Rohani a fait des ravages de toutes sortes dans la société iranienne et a nourri la colère de la population. D’une part, l’économie déjà chancelante du pays s’est encore dégradée et l’inflation a dépassé les 50 %. D’autre part, la situation préoccupante concernant le respect des droits humains s’est encore aggravée, à cause de l’appareil de sécurité iranien, en particulier l’unité de renseignement du CGRI, qui persécute les femmes, réprime les Bahaïs dans tous les aspects de leur vie et emprisonne les citoyens qui défendent les droits de la population : activistes, avocats, enseignants, écrivains, journalistes…

En janvier 2018 et novembre 2019, à la suite de la gestion désastreuse des précieuses ressources en eau du pays et de l’état fortement dégradé de l’économie, les générations « X » et « Y » se soulèvent et renvoient dos à dos toutes les factions du pouvoir en scandant le slogan phare « Réformateurs, conservateurs, le jeu est fini ».

Le guide suprême, Ali Khamenei, à chaque occasion, justifie son système idéologique qui n’a jamais respecté les différents accords internationaux en menaçant la région par le biais de ses activités nucléaires, dans le but de rester au pouvoir.

Les étudiants des universités de Téhéran refusèrent de marcher sur les drapeaux américains et, en réponse aux discours essoufflés du Guide suprême, scandèrent le slogan : « Notre ennemi est ici, c’est un mensonge de prétendre que c’est l’Amérique notre ennemi ! » 

Dans les rues des villes iraniennes a alors résonné, à l’occasion de nombreuses manifestations, le slogan « Ni Gaza, ni Liban, je donne ma vie pour l’Iran ! », en écho aux devises antisionistes des dirigeants du régime islamique visant l’État d’Israël. Cette politique a eu pour conséquence de dépenser, en quatre décennies de régime, des dizaines de milliards de dollars pour le développement du Hezbollah et des groupes terroristes au Pakistan et au Liban, ainsi que pour le soutien financier et militaire au pouvoir syrien, et pour l’implication au Yémen.

L’escalade de violence

L’intensité de la violence des forces de sécurité du régime a continuellement augmenté à l’encontre des manifestations contre l’augmentation du prix du carburant dans un contexte de crise économique. La répression a été d’une ampleur inédite dans plus de cent villes. Pour tenter de couper le pays du reste du monde, les autorités iraniennes ont presque totalement supprimé l’accès à Internet et aux réseaux mobiles (selon l’observatoire NetBlocks).

À l’abri des regards, environ 1 500 personnes ont été tuées selon une enquête de l’agence Reuters et au moins 7 000 manifestants ont été emprisonnés et accusés d’être des agents des sionistes ou des Américains, selon Amnesty International et l’ONU.

En janvier 2020, le vol PS752 de l’Ukraine International Airlines, quelques minutes après son décollage, a été abattu par un missile sol-air iranien tiré par un membre des CGRI – 176 passagers civils ont été tués. Telle fut la « dure vengeance » promise par le régime islamique en réponse à la frappe ciblée tuant à Bagdad le général Qassem Soleimani, garde révolutionnaire islamique et héros de l’islam politique, surnommé par la population iranienne « le boucher des peuples »2. Les mensonges des autorités iraniennes niant leur implication dans le crash du vol PS752 déclenchèrent une nouvelle vague de manifestations des étudiants contre le régime dans un contexte de crise américano-iranienne. L’escalade de la violence continua de manière effrénée.

C’est la jeunesse, appelée parfois la « Gen Z », qui est à l’origine de ce mouvement de protestation contre un apartheid de genre et un système discriminatoire, dont les femmes sont les principales victimes.

Les premiers cas et décès liés au nouveau coronavirus sont apparus à partir de février 2020, touchant « environ 50 personnes » à Qom, ville sainte à 150 kilomètres au sud de Téhéran. Les autorités ayant démenti que l’épidémie avait pu faire une cinquantaine de morts ont été dépassées par l’ampleur de la crise qui a fait des milliers de morts et l’Iran est placé au premier rang des pays touchés par la maladie en dehors de la Chine. Dans une déclaration montrant son ignorance de la situation, Khamenei, en tant que chef de l’État, plaçant l’idéologie avant la vie de millions d’Iraniens, a lancé une fatwa : « Les importations de vaccins américains et britanniques dans le pays sont interdites. Je l’ai dit aux fonctionnaires et je le dis publiquement maintenant. »

En outre, la signature d’un pacte « pour une coopération globale sur 25 ans » par le ministre des Affaires étrangères du régime islamique, Javad Zarif, et son homologue chinois, Wang Yi, « notamment dans les domaines de la technologie, des industries, des transports et de l’énergie » et le renforcement de la relation déjà solide avec la Russie de Vladimir Poutine, a achevé d’enflammer la génération digitale iranienne sur les réseaux sociaux. Tout le monde savait que quelque chose d’inédit se déroulerait tôt ou tard en Iran.

La société iranienne n’est guère sortie de la souffrance des morts du crash du vol PS752, ni de celle suscitée par les milliers de morts dus à la mauvaise gestion de la Covid. Le virage stratégique du Guide suprême vers la Russie de Poutine et la Chine, perçue comme une nouvelle puissance coloniale, les positions géopolitiques du régime semblent s’être figées aux échelles régionale et internationale dans une configuration qui déplaît fortement à la population. 

C’est dans ce contexte que, le 16 septembre 2022, la mort de Mahsa-Jina Amini a déclenché le vaste mouvement populaire « Femme, Vie, Liberté ». C’est la jeunesse, appelée parfois la « Gen Z », qui est à l’origine de ce mouvement de protestation contre un apartheid de genre et un système discriminatoire, dont les femmes sont les principales victimes.

Insurrection de la « Gen Z » contre un apartheid de genre

La « Gen Z » iranienne, née avec un smartphone entre les mains et connectée au monde depuis le berceau, arrive soudain sur le marché sociopolitique avec de nouvelles exigences, bouleversant ainsi les codes mis en place par les baby-boomers révolutionnaires de 1979. Elle a, en effet, bouleversé la méthode classique du leadership charismatique reposant sur la logique du « top down » selon laquelle la structuration politique de la vie publique serait de nature hiérarchique avec, à son sommet, un ou plusieurs leaders politiques parvenant à imposer à l’acceptation populaire leurs doctrines. 

Alors que les baby-boomers accueillaient en 1979 le retour de Khomeini, leur leader charismatique, pour mettre en place un système autocratique, les générations « Y » et « Z » rejettent la logique du « top down » dans le domaine politique. Cette jeunesse lance un mouvement collectif auto-organisé se conformant à la logique « bottom up ». Ils sont autonomes, sans revendications d’un leader charismatique. Ils prennent « Mahsa-Jina » comme slogan de ralliement dans tout le pays. 

Ce qui distingue le mouvement « Femme, Vie, Liberté » de toutes les grandes révolutions de l’Histoire, c’est son caractère féministe.

Ces enfants du numérique, contrairement aux générations précédentes, ont rejeté le système théocratique et kleptocratique basé sur la corruption, la force et la crainte. Ils expriment un désaccord avec les anciennes générations qui ont longtemps écouté les intellectuels idéologues, en cherchant la réforme d’un système autocratique. Les aspirations de cette jeune génération sont totalement différentes de celles de leurs aînés qui élaboraient des doctrines auxquelles il fallait adhérer et produisaient des chants de propagande généralement basés sur des thèmes violents et la glorification du sacrifice pour la cause. 

À l’inverse, la production de contenus révolutionnaires de la jeune génération est plutôt décentralisée. Par exemple, une des vidéos les plus connues est celle de Shervin Hajipour, consistant en un plan fixe du chanteur, dans sa chambre. Il chante, essentiellement en gardant les yeux fermés, avant de regarder en direction de la caméra qui le filme tandis que des tweets surgissent qui sont autant de messages d’engagement contre le régime. Ainsi, Shervin Hajipour, dans sa chambre à Babolsar, près de la mer Caspienne, a composé puis filmé le clip de sa chanson Barayé (en français « Pour ») à partir de plusieurs tweets postés par les générations digitales. Cette chanson est devenue une sorte d’hymne du mouvement « Femme, Vie, Liberté » qui a fait le tour du monde et a été traduit dans de nombreuses langues, dont le français.

Il y a également l’hymne Zan (en français « Femme ») composé par Mehdi Yarahi qui esthétise le mouvement en l’ancrant dans l’histoire des contestations populaires iraniennes.

Femme, Vie, Liberté
En ton nom, qui est notre mot de passe
la nuit de Mahsa est l’aube des centaines de Neda

Laisse-moi l’embrasser dans le sang
Qu’il devienne éternel
La mèche attachée sur le dessus de la tête 
comme c’est majestueux

Pourquoi émigrer ? Reste et reprends le pays
Chante pour que la ville soit remplie de l’hymne de Femme
Pour que cette Patrie devienne ta Patrie

Ces chansons bouleversent les codes, transcendent le deuil, le sang et la violence et poussent l’auditeur vers un avenir compréhensible où la jeunesse ne respectera plus la loi du plus fort. Ce qui distingue le mouvement « Femme, Vie, Liberté » de toutes les grandes révolutions de l’Histoire, c’est son caractère féministe. Dans les mythes antiques de l’Iran, la femme est l’origine, la patrie, la naissance, la croissance et la bénédiction. Le mot femme signifie liberté. Cette jeunesse relie les mythes perses à notre ère. Selon le Livre des rois (Shâhnâmeh en persan) de Ferdowsi, le grand livre perse de l’Histoire du monde, l’héroïne Farangis, après la mort du héros Siyavash et les autres jeunes filles qui l’accompagnaient se sont coupé les cheveux en signe de deuil et de protestation contre l’injustice de cette mort. Ce symbole a été repris par le mouvement « Femme, Vie, Liberté » en signe de protestation contre la mort de Mahsa-Jina Amini. Les femmes iraniennes ont transformé cette tradition symbolique en un acte politique. Les femmes se sont coupé les cheveux et les hommes se sont rasé la tête et tous ont posté les vidéos de ces actes sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que ce geste hautement symbolique s’est exporté aux quatre coins du monde.

Si le cinéaste Sergio Leone était vivant aujourd’hui et voulait refaire son film en se basant sur la révolution de la jeunesse en Iran, peut-être pourrait-il écrire le dialogue comme ceci : « La révolution emporte sa victoire lorsque les jeunes lèvent leurs têtes de leurs smartphones et regardent ceux qui sont enterrés dans des livres et leur disent : “Il n’y a rien de bon ici ! Il faut un changement de paradigme ici !” »

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